l'age du tattoo
Cela fait maintenant plus de trois ans que j’ai commencé la série Foeille, et elle occupe toujours une place importante dans ma vie créative.
Elle est née d’un challenge, d’une envie de faire corps avec la nature plus précisément, et de la volonté de ne plus utiliser des matériaux conventionnels comme supports pour peindre.
Plus j’avançais dans l’expérimentation de cette nouvelle texture, plus je me rendais compte que cette pratique était tout à fait pérenne, autrement dit que les végétaux ne partaient pas en poussière au bout de quelques mois. Certains herbiers, vieux de plusieurs centaines d'années, renferment d’ailleurs toujours leurs archives végétales intactes.
Premières peintures sur feuilles et pétales datant de 2018
Mon idée n'était pas d’enfermer mes créations et de les aplatir, mais de les laisser sécher librement à l’air et d'observer les ondulations naturelles issues de la tension entre les limbes - étrange coïncidence lexicale car ainsi se nomment la chair des feuilles et le petit cercle noir qui entoure la pupille - et les nervures.
Limbes sur feuilles de Catalpa et de Tetrapanax
Mes recherches évoluent encore. Après avoir constellé d’yeux des feuilles de plus grand format type Tetrapanax, je me suis ensuite tourné vers des feuilles type Trachycarpus fortunei et même dernièrement vers un Anthurium, encore vivant, que j’ai peint dans le cadre d’une performance en galerie !
Peintures sur feuilles de Trachycarpus fortunei et Anthurium
Ces deux dernières expériences m'ont donné envie d’ancrer encore davantage ma démarche dans le respect des végétaux en créant ma propre encre à base de résines et de pigments naturels.
Je suis ainsi arrivé à la conclusion qu’il était même possible de ne pas utiliser d’encre en scarifiant la feuille et/ou en la découpant. Certes, on perd cette fois la couleur mais les jeux d’ombre, de lumière et de transparence sont hypnotisants.
Jeux de lumière sur une feuille tatouée et des feuilles découpées
Je me suis ces derniers mois équipé d’un dermographe afin de tester le tatouage sur feuilles puis sur légumes. Pour les feuilles, la technique oscille entre le dessin, la scarification et le découpage car, selon le type de feuilles, on peut arriver à garder une grande partie des nervures jusqu’à obtenir des réseaux cellulaires. Je n’ai pas encore finalisé cette entreprise mais une des pistes est de fragiliser certaines parties de la feuille avec le dermographe, puis de les travailler comme peut le faire une artiste sensible de renom, la papetière Viviane Fontaine, pour ne conserver que les nervures. J’obtiendrai sans nul doute un résultat semblable mais avec des nervures beaucoup plus fines qu'actuellement.
Feuilles de Ginkgo biloba et de Forsythia partiellement évidées et découpées au dermographe
Feuilles de Ginkgo biloba découpées à l’Exacto et feuille de poireau tatouée
En ce qui concerne les légumes, le problème porte sur la conservation. J'obtiens actuellement de bons résultats en les badigeonnant d’une solution d’acétate de polyvinyle (soluble dans l’alcool) et d’alcool de polyvinyle (soluble dans l’eau).
Afin d’être en accord avec ma démarche, il faut maintenant que je parvienne à fabriquer une solution composée d’éléments naturels. Ma prochaine étape consistera donc à tremper les légumes dans un mélange de glycérine et de gomme arabique.
Tatouage sur citrouilles et pommes de terre
Après cette série de tests, je me suis retrouvé avec une petite collection de feuilles plus ou moins mutilées et de peaux rabougries, pour ne pas dire flétries, quelque part entre le musée des horreurs et le musée de la torture, en un mot très loin de ma volonté initiale de faire corps avec la nature.
C'est ici qu’a ressurgi l’idée d'assemblage succédant à un ou deux essais réalisés il y a déjà quelques années. Toutes ces formes et textures une fois assemblées sont devenues des insectes très différents les uns des autres.
Assemblage 1
Assemblage 2
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