Automatrice

Automatrice : Quand froisser devient créer
Froisser, déplier, exposer. Voilà le geste simple, presque instinctif, qui est au cœur de ma série "Automatrice". À première vue, on pourrait croire à une destruction – un papier qu’on froisse, qu’on oublie, qu’on jette. Mais ici, ce geste n’est pas une fin, c’est un commencement.
Créer par le chaos
Le papier, en étant malmené, conserve les traces de son passé. Chaque pli devient une ligne de fracture où la lumière se brise, où les ombres s’accrochent. Lorsque je l’expose au cyanotype, ce n’est plus une simple surface, c’est une matrice autonome qui capte les UV de manière aléatoire, imprévisible. Ce que j’imprime n’est pas seulement une image : c’est une mémoire du geste, une empreinte du mouvement.
C’est là que le processus devient fascinant. Je ne maîtrise plus tout. L’œuvre se fait avec moi, malgré moi. Le hasard s’invite et prend une place essentielle.
La lumière comme révélateur
La lumière UV ne fait pas que fixer l’image, elle révèle ce qui était invisible. Des plis imperceptibles à l’œil nu se dessinent en nuances de bleu, des textures émergent là où il ne restait que du papier froissé.
C’est une co-création entre mon geste, la matière et la lumière. J’amorce une destruction, et c’est elle qui engendre la forme. L’ordre naît du chaos.
une réflexion sur le contrôle et l'aléatoire
Dans un monde où tout est calibré, programmé, standardisé, il y a quelque chose de profondément libérateur à lâcher prise. En acceptant le froissement, je laisse place à l’accident, à l’inattendu. Pourquoi chercher à lisser, à gommer les imperfections, quand elles sont justement ce qui rend chaque pièce unique ?
Je vois mes cyanotypes comme des palimpsestes : des surfaces qui gardent les cicatrices du passé, qui révèlent l’histoire d’un instant.
Une esthétique de l'imprévu
Au final, c’est peut-être ça que je cherche à capturer : cette beauté brute, née du hasard, ces formes qui existent parce qu’elles échappent au contrôle total. Froisser devient un langage, une écriture de la lumière sur le papier.
Et si, au lieu d’effacer les marques du chaos, on les célébrait ?
Comments